De plus en plus de familles se trouvent confrontées au souci de la protection de majeurs devenus vulnérables et qui ne sont plus en mesure de manifester leur volonté. Maître Chuto-Seznec nous explique le mécanisme et les enjeux de l’habilitation familiale.

Le nouveau régime de l’habilitation familiale, créé par l’ordonnance du 15 octobre 2015 et mis en œuvre par le décret du 23 février 2016, apporte une alternative séduisante aux préoccupations des familles. En effet, les procédures de mise sous curatelle ou tutelle sont réputées être longues à mettre en place et lourdes à gérer. L’habilitation familiale propose une procédure simplifiée et sans doute plus rapide. En particulier, contrairement à la tutelle, la personne habilitée n’a aucun compte de gestion à rendre au juge. Parole à Me Sandrine Chuto-Seznec qui nous présente cette nouvelle mesure de protection.

Au niveau de la procédure, quelles sont les différences avec les autres mesures de protection ?

Me Sandrine Chuto-Seznec : Les nouveaux articles 494-1 et suivants du Code civil permettent au juge des tutelles, lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, d’habiliter un ou plusieurs proches en vue de la représenter ou de passer des actes en son nom. La demande d’habilitation doit émaner d’un “proche”, c’est-à-dire d’un ascendant, descendant, frère et sœur, partenaire ou concubin. Le conjoint devrait être ajouté à cette liste. Contrairement au mandataire, la personne habilitée exerce sa mission à titre gratuit. La personne à protéger doit être hors d’état de manifester sa volonté par suite d’une altération médicalement constatée de ses facultés mentales ou corporelles.

La requête doit être transmise au juge des tutelles du lieu de résidence habituelle de la personne à protéger, sans avoir recours à un avocat. Elle indique les nom, prénoms et adresse tant du ou des requérant(s) demandant l’habilitation que ceux de la personne à protéger et doit être accompagnée :

  • d’un certificat médical attestant de l’impossibilité de manifester sa volonté (établi par un médecin choisi sur la liste déposée auprès du Procureur de la République)
  • de l’identité des proches de l’intéressé
  • du nom du médecin traitant
  • d’une note concernant la situation patrimoniale et financière de la personne à protéger. Le juge des tutelles procède à l’audition de la personne protégée (sauf si celle-ci est hors d’état de s’exprimer ou si l’audition serait de nature à porter atteinte à sa santé), du requérant ainsi que des proches du majeur faisant l’objet de la demande d’habilitation. Le juge statue alors sur l’étendue de l’habilitation.

L’habilitation familiale ne peut être ordonnée qu’en cas de nécessité et que si le droit commun ou les stipulations d’un mandat de protection future ne peuvent pourvoir aux intérêts de l’intéressé. Elle reste donc subsidiaire.

Quelles sont les conséquences de l’habilitation familiale ?

Me Sandrine Chuto-Seznec : L’habilitation familiale peut porter sur un ou plusieurs actes relatifs au patrimoine ou à la personne de l’intéressé. Elle peut également être générale mais les actes de disposition à titre gratuit (donation) ou les actes pour lesquels la personne habilitée pourrait être en opposition d’intérêts avec la personne protégée doivent être autorisés par le juge des tutelles. L’habilitation est accordée pour une durée maximale de 10 ans, renouvelable pour la même durée (le renouvellement peut exceptionnellement être porté à 20 ans maximum), sauf si le juge des tutelles a été saisi pour y mettre fin de façon anticipée.
L’habilitation familiale, comme les autres mesures de protection, doit être transmise au répertoire civil et une mention sera portée en marge de l’extrait d’acte de naissance de la personne protégée.
L’habilitation familiale prend fin par l’accomplissement des actes pour lesquels elle avait été donnée, par l’absence de renouvellement à son expiration, par jugement de mainlevée de ladite habilitation, par le décès de la personne protégée ou son placement sous une mesure de protection judiciaire.

Un sujet de société

La protection des majeurs est un sujet qui inspire régulièrement le législateur, soucieux de faciliter la prise des décisions concernant le patrimoine des majeurs protégés tout en n’augmentant pas de façon inconsidérée la charge de travail des juges des tutelles.